11 septembre - Venezuela Notre-Dame des Indigènes Coromoto (1652)

La Mère de toutes les Mères (II)

Vers minuit, on me réveille et on me commande de sortir. Le Tchèque m'attend dehors. Il sent la vodka, cependant il n'est pas saoul. Il me fait signe de le suivre dans la cour de 1'école... « Je vous ai fait venir, capitaine, pour vous aider et, peut-être, pour m'aider aussi, un peu moi-même", car l'humain ne doit pas mourir en ce temps inhumain ! Je sais ce que vous pensez, vous me tenez pour un chien cynique et vous n'avez pas tout à fait tort. Et cependant ! comment m'exprimer sans paraître faux ou lâche ? ... Selon le désir de mes parents, je devais me faire prêtre. Aujourd'hui je suis un bolchevique, un apostat. Lors de mon départ, ma mère me mit au cou une monnaie bénite représentant la Vierge Marie qui devait selon ma mère, me porter bonheur. Aujourd'hui en tenant votre médaille dans mes mains un sentiment de tristesse s'empara de moi; je dus combattre cette stupide émotion... Je possède encore ce souvenir de ma mère défunte. Le voici ! » Il tire de sa poche un écu en argent troué, et me le montre. L'effigie de l'écu représente la Mère de Dieu auréolée comme Souveraine de Bohême. Il continue : « Curieux ! Marie m'est toujours restée chère, je n'ai pas de rancune contre Elle. C'est peut-être parce qu'Elle est la Mère de toutes les mères. L'amour de nos mères doit nous rester sacré ! » A ces mots, son visage exprime un sentiment de douleur. Il ajoute : « Pour l'amour de votre mère et de la mienne, j'ai envie de faire agir "le fétiche". Lorsque nous continuerons la marche, vous trouverez bien l'occasion de vous évader. » Puis, il change de ton et de tenue et regarde autour de lui et ajoute : « Il se peut que je me trompe... Demain nous reculerons devant les Allemands. En route on sonnera l'alarme. Il y aura un certain désordre. Vous saurez profiter de l'occasion, capitaine ! » Je regarde l'homme avec de gros yeux. « Et mes hommes ? »... Il me fait signe agacé : « Ça va bien ! Bonne chance et bonne nuit ! » Indécis, je lui tends la main. Le lendemain, les Russes nous emmènent dans leur retraite... Nous prenons notre repos dans une grange abandonnée. Subitement, on rappelle nos gardiens. Belle occasion pour nous enfuir. Nous prenons la direction du sud et tombons bientôt sur nos troupes. Le Tchèque a tenu parole.

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